Un référendum européen pour le TME
Le Conseil Européen, réuni à Lisbonne les 18 et 19 octobre dernier, a adopté le projet de Traité modificatif (TM) qui restructure et amende les deux textes fondamentaux autour desquels s’articule déjà l’UE : Le « traité sur l’Union Européen » (TUE) et le « traité instituant les Communautés européennes » (Traité CE) qui deviendra le « traité sur le fonctionnement de l’Union » (TFU).
Le TME reprend approximativement les « parties I et IV » de l’ancien TCE tandis que le TFU reprend la fameuse « partie III ».
La partie II (la Charte) devient un 3e texte à valeur constitutionnelle.
Ce traité modificatif (également appelé « traité de Lisbonne » ou « traité réformateur ») devrait être signé par les 27 chefs d’Etats le 13 décembre 2007 et ratifié au cours de l’année 2008, pour une entrée en vigueur en 2009.
1- Reprise de la majorité des innovations institutionnelles du TCE :
Les règles de vote à la majorité qualifiée pour le Conseil sont étendues à un grand nombre de domaines et modifiées (système de double majorité : 55% des Etats Membres, représentant 65% de la population européenne, contre « triple majorité » dans Nice). Dès le 1er janvier 2009 la régression des cas d’unanimité requise est acquise. Mais la règle de double majorité ne s’appliquera pas en revanche avant 2014, voire 2017. De plus, cette règle sera susceptible d’être entravée par le « Compromis de Ioannina » (voir plus bas).
Renforcement du rôle du Parlement européen :
Extension du champ de la « co-décision » à une quarantaine de nouveaux domaines,
Vote de la totalité du budget « dépenses » dont la PAC (45% actuellement, PAC exclue)
Droit d’initiative de révision constitutionnelle pour le PE
Consentement du PE requis pour les coopérations renforcées (sauf pour la PESC) ainsi que pour le recours à la « clause de flexibilité » (Art. 308),
Rôle accru du PE pour les procédures relevant de la « comitologie »[1] etc.
Renforcement du rôle des parlements nationaux :
Rallongement du délai pendant lequel ceux-ci peuvent exprimer leur opinion (de 6 à 8 semaines),
Accroissement du pouvoir de contrôle des parlements nationaux : en cas d’opposition d’un parlement à une proposition de la Commission, celle-ci doit la prendre en considération et si rien ne l’oblige à faire machine arrière, la Commission doit « justifier » de son maintien. Avant l’entrée des Verts aux gouvernements, la République Tchèque avait exigé un quasi « droit de veto » des parlements nationaux sur les actes communautaires mais n’a pas eu gain de cause
Le Droit d’initiative législative populaire du TCE est maintenu (en sus du droit de pétition actuel, sans portée)
Le Conseil de l’UE disposera d’une présidence stable et élue pour 2 ans et demi (renouvelable) en lieu et place de la présidence tournante biannuelle
Le poste de « Ministre des Affaires étrangères » de l’UE est maintenu même si la dénomination a changé au profit d’un moins ambitieux « Haut représentant pour les affaires étrangères et la politique de sécurité ». Celui-ci sera de droit vice-président de la Commission et disposera d’une administration à son service (celle de l’ancien « commissaire européen aux relations extérieures »).
Diminution du nombre de commissaires européens (de 27 à 15 d’ici 2014) Le nouveau « traité sur le fonctionnement de l’Union » (TFU) apporte également quelques changements aux traités existants et/ou au TCE :
Ajout d’une référence aux nouveaux défis, comme le changement climatique et la solidarité en matière d’énergie, en particulier face aux préoccupations de la Lituanie et de la Pologne concernant leur forte dépendance énergétique avec la Russie
Les domaines et catégories de compétences de l’Union (compétences exclusives, partagées, d’appui, de coordination ou de complément) sont précisés et élargis, notamment à l’espace, l’énergie, la protection civile, le sport, le tourisme, la santé publique, les régions ultrapériphériques, la coopération administrative, la gouvernance de l’euro, l’espace de liberté et de sécurité).
Enfin, un « protocole » sur les services publics fut ajouté au traité au mois de juin qui reconnaît leur importance ainsi que leur diversité et stipule que les « dispositions des traités ne porte en aucune manière atteinte à la compétence des Etats membres » en matière de services publics. Toujours sur cette question et à l’initiative de la présidence portugaise, l’article 14 du TFU reprend l’ancien article III.122 du TCE sur les services d’intérêt économique général (qui les protège des lois de la concurrence , les Etats doivent « les fournir et les financer »)
2- Un recul des ambitions européennes
Si le TM a conservé une grande partie des avancées institutionnelles du TCE (qui faisaient l’unanimité même chez les opposants à la constitution) il n’en demeure pas moins que ce texte reflète une certaine « frilosité » de la part de nombreux pays européens.
L’abandon des symboles et la terminologie : le mot « constitution » ou « constitutionnel » n’apparaît plus, t Les gouvernements les plus eurosceptiques ont obtenu bon nombre de dérogations qui sont dommageables pour le projet européen :
a. La Charte des Droits Fondamentaux n’est plus incluse dans le traité mais sera néanmoins contraignante... sauf pour le Royaume-Uni qui a demandé et obtenu un opt-out [2] (tout comme la Pologne dans un premier temps mais qui devrait finalement ratifier la charte suite au récent changement de gouvernement).
b. Le Royaume-Uni et l’Irlande vont également bénéficier d’un opting-out sur les questions comme les politiques de contrôle des frontières, l’asile et l’immigration, la coopération judiciaire en matière civile, la coopération judiciaire en matière pénale et la coopération policière.
La Pologne est parvenue à inclure la clause de Ioannina dans un protocole. Cela permet à une minorité d’Etats membres de reporter des décisions majeures prises par le Conseil à la majorité qualifiée « dans un délai raisonnable », même s’ils ne disposent pas d’une minorité de blocage.
3- Ce texte qui vise à sortir l’UE de l’impasse que représente le traité de Nice, concerne tous les citoyens européens
Lors de leur conseil d’Automne à Vienne, le 14 octobre, Les Verts européens ont adopté une résolution demandant une ratification du TME par référendum européen, organisé la même semaine sur le texte dans sa version « consolidée » (les pays où la Constitution l’exige procédant par voix parlementaire la même semaine), à l’exclusion de tout appel à des référendums nationaux séparés.
Les Verts constatent que la procédure mise en place par l’Allemagne puis par le Portugal pour sortir de la désastreuse gestion de l’Europe induite par le traité de Nice tend à être récupérée à des fins internes et partisanes par Nicolas Sarkozy. Il montre son intolérable chauvinisme et sa posture plutôt opposée à une construction démocratique, sociale et environnementale de l’Union Européenne
Pour un référendum européen pour le TME
Le Conseil national interrégional des Verts, réuni à Saint-Denis les 24 & 25 novembre 2007 :
demande que la proposition de référendum europeéen soit portée par le représentant de la France ;
encourage les députés Verts au Parlement européen dans leur combat en faveur de ce référendum ;
condamne en tout état de cause la ratification du traité modificatif par le Parlement dans les Etats où le peuple avait été consulté directement par le TCE ;
lance une campagne pour soutenir le référendum comme décrit ci-dessus.
[1] Selon la procédure dite de « comitologie », la Commission européenne s’appuie sur l’avis et l’expertise de « comités » dont les membres sont désignés par les Etats Membres. Cette procédure est souvent décriée, notamment par le Parlement européen, parce que peu transparente et peu démocratique.
[2] Le concept d’opting-out correspond à une dérogation, accordée à un pays ne souhaitant pas se rallier aux autres États membres dans un domaine particulier de la coopération communautaire.
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