A propos de la décroissance, par Jean Zin
Extrait tiré de l'article de Jean Zin, Critique de l'écologisme (la maladie infantile de l'écologie)
- La décroissance et les "alternatifs"
Qu'il soit bien clair que la décroissance matérielle est une nécessité et, si j'ai souligné les limites de la décroissance, c'est pour ne pas en rester à une approche exclusivement quantitative qui n'est que le miroir de la croissance, nourrissant l'illusion qu'on pourrait s'en sortir par une simple réduction du temps de travail et de nos consommations sans rien changer au système productiviste du capitalisme salarial ! Le problème ici, n'est donc pas tellement le mot d'ordre lui-même que ceux qui le défendent, bande de marginaux qui donnent prise trop facilement à la critique et tombent dans un moralisme culpabilisant ou bien une "simplicité volontaire" à la limite du ridicule. On leur donnerait bien une couronne mais le mérite de ces militants qui se sacrifient pour la bonne cause est si grand qu'on souhaiterait qu'ils restent incompris du monde entier pour que leur sainteté soit encore plus éclatante ! L'embêtant, c'est que l'écologie n'est pas une religion, on ne se sauvera pas tout seul mais seulement collectivement. La question est exclusivement politique. Rien ne sert de se donner en modèle alors que ce sont les structures sociales et les circuits de production qu'il faut changer. Pas besoin d'être pur et irréprochable écologiquement pour apporter sa pierre à cette révolution écologiste qui s'annonce. L'important, c'est de participer à la construction de l'alternative.
Pourtant, de même qu'on ne peut considérer comme de véritables révolutionnaires ceux qui se prétendent tel et ne sont que des poseurs, il ne faut pas se fier à ceux qui se prétendent "alternatifs" parce qu'ils vivent en marge de la société car ils ne construisent pas du tout une alternative sociale, plutôt repliés sur eux-mêmes quand ils ne forment pas de nouvelles sectes totalitaires et étouffantes. Il ne suffit pas de changer de vie ni de vivre en communautés ni d'un activisme permanent pour changer la société, sauf à construire de véritables circuits alternatifs. Tout est dans la manière et il faudrait tenir compte des échecs passés (du socialisme utopique aux communautés post-soixantehuitardes) pour ne pas les reproduire trop naïvement.
On peut donc garder le mot d'ordre de décroissance comme horizon qui nous oppose à la croissance productiviste à condition de ne pas en rester là, comme s'il suffisait de se serrer la ceinture et de jouer aux pères la morale ou se fier au bon vouloir de chacun, et s'il faut défendre plutôt la construction d'une alternative, il faut l'inscrire dans un projet politique global.
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