Agrocarburants : l'énergie du désespoir
Le Conseil Général de l'Eure a présenté lors de sa session plénière du 21 juin son plan climat pour lutter contre le réchauffement climatique. L'idée est séduisante puisqu'il s'agit de s'appuyer sur les objectifs de réduction des émissions de gaz à effet de serre sur le département pour créer des emplois locaux qui par définition ne seront pas délocalisables.
Les secteurs visés par ce plan concernent un appel à projet de logements sociaux HQE et les transports.
Concernant les logements sociaux, il nous faudra attendre que les grandes lignes de ce projet soient rendues publiques pour pouvoir nous prononcer sur l'opportunité réelle que représentera son impact sur l'environnement certes, mais aussi sur les conditions de vie des futurs locataires. Quels critères environnementaux seront retenus ? Combien de logements seront concernés ? A quel horizon ? Quelles filières d'approvisionnement d'énergie seront privilégiées ? Quelles modalités de financement de l'investissement ? Quelles incitations à la formation professionnelle pour les entreprises locales ?
Concernant les transports, un colloque organisé par les départements de l'Eure et de Seine-Maritime est prévu en date du 5 octobre. En attendant, il est nécessaire de décrypter les conséquences que ne manquerait pas de générer un choix qui consisterait à développer la production de carburants issus de l'agriculture. En effet, à ce jour toutes les études remettent en cause l'efficacité d'un tel dispositif. Plus même : le développement du secteur agricole pour une production de carburant exacerbe les prix du secteur agricole alimentaire alors même que l'efficacité environnementale lui est contestée. On ne saurait trop alerter avant que de s'engager vers de tels choix qui seront économiquement coûteux et écologiquement désastreux. Rappel...
Tout d'abord, toute politique énergétique doit prioritairement s'orienter vers la réduction globale des consommations énergétiques, seule et unique solution au changement climatique. Ce point crucial est rappelé aujourd'hui même par la publication d'un rapport de l’Inspection générale de l’environnement (IGE) et du conseil général de l’agriculture, de l’alimentation et des espaces ruraux sur «la mise en œuvre du plan biocarburants au regard de la protection de la ressource en eau» les instances les plus officielles.
Selon les auteurs du rapport, «les objectifs du plan biocarburants sont, par nature, antinomiques avec les préoccupations en matière de protection de la qualité de l’eau, dès lors que le développement des cultures énergétiques passe par un accroissement des surfaces cultivées et une intensification des cultures.» Cette intensification des cultures signifie une très forte augmentation des pesticides, herbicides, fongicides, insecticides, et autres intrants chimiques et par conséquent une pollution accrue des nappes phréatiques, de toutes les réserves d'eau potable et de l'air que nous respirons. Les Verts, comme nombre d'acteurs environnementaux, condamnent le recours à la production d'agro-carburants médiatisés sous le nom abusif de « bio-carburants ». Pour l’aménagement du territoire et les transports, la démarche est déjà connue : réduction de la consommation d’énergie en favorisant le report vers les modes ferroviaires et fluviaux, le recours aux transports en commun et aux modes doux de déplacements.
Si l'on étend le regard à l'horizon de la planète, les conséquences du développement des agro-carburants sont dramatiques et désastreuses :
- Intensification des risques de famines et des problèmes de souveraineté alimentaire dans les pays pauvres ou "émergents". Risques de crises alimentaires dans les autres pays.
- Droits humains bafoués dans les pays pauvres pratiquant les monocultures de canne à sucre, de soja et de palmier à huile (esclavage, conditions misérables de travail et de salaire...).
- Intensifications des maladies cancérigènes et mutagènes provoquées par les pesticides utilisés d'autant plus libéralement que les cultures ne sont pas alimentaires.
- Porte ouverte supplémentaire pour les OGM.
- Accentuation des expropriations des petits paysans de leur terre en Amérique latine et Asie.
- Bilan énergétique plus que douteux pour la planète comme pour le consommateur.
- Accroissement de la perte de biodiversité par la destruction des forêts tropicales et la quasi-disparition des jachères dans les zones tempérées.
- Accentuation du réchauffement climatique par la destruction des forêts tropicales.
- Pression supplémentaire sur la ressource en eau et accroissement de la pénurie en eau.
- Accélération des processus d'érosion des sols et de désertification par des pratiques culturales destructrices (monocultures, intrants chimiques, etc.).
- Démultiplication du pouvoir d'une poignée de multinationales détenant les semences, les OGM, les pesticides (insecticides, herbicides...) et une part de l'énergie nécessaire à notre quotidien.
Jacqueline FIHEY
Jean-Yves GUYOMARCH
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