Les enquêteurs du 12 mai 2007
...Ils démarrent une enquête : Pourquoi sur une petite dizaine de kilomètres (entre Villalet et Glisolles) n’y a t-il aucun moulin sur le cours de l’ITON, alors qu’ils s’échelonnaient en amont et en aval environ tous les kilomètres ?
Peut-on se contenter de cette légende qui attribue à la seule volonté du diable courroucé de faire qu’il y ait de l’eau ou non pour activer la roue du Moulin du Coq (ou Moulin du Diable) à l’entrée de Villalet ?
Les bipèdes suivent le cours d’eau, passent devant les ruines de la vieille église de Saint Médard, celui du dicton « s'il il pleut à la Saint Médard, il pleuvra quarante jours plus tard »…
Tiens, tiens… Cela fait donc très longtemps que les habitants sont sensibilisés au manque intermittent d’eau… et si la malédiction du diable pouvait être levée par de saintes dévotions ?
Parvenus au pont de Villalet, ils découvrent que la rivière fait un angle très marqué à droite (toute ressemblance avec des faits actuels n’étant que pure coïncidence). Sous le pont une partie du cours est canalisée dans un auget : ouvrage de béton permettant de sauvegarder une partie (c’est écrit à côté du pont) du courant vers les utilisateurs en aval. Mais sauvegarder de quoi ?
Nous progressons en avançant, je dirais même plus, nous avançons en progressant !
Le REBRAC : premier pont, l’eau coule sous le pont (normal !) de droite à gauche, deuxième pont, l’eau s’écoule sous nos pieds de gauche à droite… c’est la RIVIERE FOLLE, le RUISSEAU BRAQUE (étymologie de REBRAC, selon Édouard FERRAY, maire d'Évreux dans les années 1850).
Tout donne à croire que l’Iton veut « rentrer à la maison », retourner à sa source.
Au fait d’où vient-il l’Iton ? Des collines du Perche, à 266 mètres d’altitude, au lieu-dit La Chérougerie de la commune de Maheru (Orne).
Mais non, après ces volte-faces, vaillamment l’Iton repart dans le sens initial, et se jette dans l’Eure à hauteur d’Acquigny (altitude 19m).
Vous êtes perdus ? Dominique aussi, et peut être d’autres… Le diable a réussi à nous embrouiller… Et le Sec Iton conservera ses mystères…
Ce serait sans compter sur la curiosité tenace des « Enquêteurs du 12 mai 2007 » bien décidés à aller jusqu’à la résolution de l’énigme. Chacun s’y met : ce sont des méandres… l’eau s’infiltre dans les fissures de la roche calcaire… c’est un phénomène Karstique… Cela me rappelle en Ardèche, une grotte… mais à quoi servent les augets ?
Nous voici rendus à l’auget de la Biocherie, récemment rénové et rehaussé (hélas, trop).
Le courant est très affaibli, et en foulant la végétation dense , nous dégageons une bétoire (sorte d’entonnoir du à la dissolution du karst par l’eau, ce passage d’origine naturelle entre la surface et le réseau souterrain est très exposé aux risques de pollutions).
Plusieurs d’entre nous s’enhardissent à se positionner sur la bétoire pour prouver que ce n’est pas un puits vertical dans lequel nous pourrions descendre ou tomber : seule l’eau est à même de s’infiltrer, mais elle peut se charger de nombreux intrus microscopiques, naturels ou chimiques.
Puis, grâce à un ingénieux et très simple aménagement, nous pouvons apprécier la profondeur de la cavité creusée sous la bétoire par les tourbillons d’eau : environ deux mètres de vide !… Si on avait su ça avant…
Enfin nous avons compris que les augets sont construits sur le bord opposé à celui des bétoires, assurant la conservation en surface d’une partie de l’eau nécessaire pour les populations en aval.
Mais que devient l’eau qui s’infiltre dans les bétoires ? Nous voici repartis pour Gaudreville la Rivière (un tout petit filet d’eau sous le pont). Nous faisons un crochet vers la ferme des Haisettes : nouvelle surprise. La route vers la ferme est aménagée en guet, doublé d’une passerelle surélevée. Il n’y a que des Homo sapiens pour inventer ça : quand l’Iton est à sec, le guet est praticable, sinon, on laisse carrosse, charrette ou voiture et on poursuit à pied par la passerelle. Pas belle l’humanité ? Le diable en est bluffé !
Hâtons-nous, les fées nous attendent à LA FOSSE AUX DAMES : site empreint de mystère, très ombragé entre deux marronniers d’âge respectable, une étendue d’eau aux couleurs sombres bien que transparentes se déverse directement dans l’Iton qui a repris toute sa superbe.
Cette fosse est alimentée par des résurgences bien remarquables par leur couleur verte (certains l’ont vue bleue-vert). L’eau qui rejoint ici l’air libre est celle qui s’est infiltrée en amont au fil des bétoires. Vous n’y croyez pas ? Sachez donc que des personnes très sérieuses ont jeté de la fluorescéïne sous le pont de Villalet, et que de l’eau colorée est ressortie 48h plus tard à la Fosse aux Dames. (Il paraît qu’avec du pastis ça marche aussi… attention POLLUTION).
Maintenant, nous pouvons expliquer l’absence de moulin sur la portion du cours nommée Sec Iton : le cours en surface est trop aléatoire pour entraîner la roue, tant qu’il est affecté par des pertes d’eau au niveau des bétoires.
Ce phénomène relève-t-il seulement du courroux diabolique ?
Les géologues nous expliquent que cela est consécutif au plissement pyrénéen : il y a environ 60 000 000 d’années ! OUI, écrit en toutes lettres pour être sûr de ne pas se tromper : soixante millions d’années ! Et la RIVIERE FOLLE n’est qu’une rivière qui continue à creuser son lit aujourd’hui, dérangée par une onde de plissements qui a parcouru le pays, du sud ouest jusqu’à la Lorraine, en passant par ici, alors qu’il n’y avait pas le moindre hominidé sur la planète.
Maintenant, à vous de choisir si vous préférez l’histoire du Diable, ou celle du contre-coup du plissement Pyrénéen.
A retenir quand même que l’eau est indispensable à la vie et que l’humanité s’est souvent montrée ingénieuse pour en assurer l’approvisionnement. Le défi du XXIème siècle est de la préserver partout où elle est disponible, et de la rendre accessible à tous.
Pour le groupe des « enquêteurs du 12 mai »
Jacqueline FIHEY
Jacqueline Fihey nous invitait le 12 mai 2007 à la découverte de la Rivière Folle et du mystérieux Sec-Iton
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